Tarot, uchronie et best-seller Victor Dixen tire la bonne carte
Au 3e épisode, l’auteur perfuse la saga «Vampyria» avec sa passion, la cartomancie. Et bat le jeu des destins avec le brio des horizons infinis. À lire et à jouer.

Alors que la saga «Vampyria» continue à magnétiser la cour royale dans un Versailles transposé à une ère vampirique, son instigateur Victor Dixen à 43 ans, fourbit des projets toujours plus sinistres. Ainsi, dans le tome III, «La cour des ouragans», le voilà qui imagine Louis XIV l’Immuable ordonnant à sa protégée Diane d’épouser un flibustier sanguinaire, le terrible Pâle Phœbus, afin de le rallier à la cause de la France. Mais sous le masque de la soumission gronde un tempérament rebelle.

N’allez pas reléguer la prose fleurie de Victor Dixen à des «harlequinades» fadasses, ici les allusions historiques pullulent, tant ce «Roy-Soleil» exilé aux ténèbres, fonctionne sur un protocole réglé par des codes de langage, des strates sociales, articles de loi, etc. Comme dans les précédents épisodes, le romancier fourbit sa lame dans un alliage subtil entre romance échevelée façon baroque sexy «Marquise des Anges», aventure héroïque du tonneau des «Capitaine Blood» à la Errol Flynn, fantastique luxuriant dans la plus pure veine de la tradition des goules et autres stryges.

Le tout est briqué avec un modernisme paradoxal sorti d’un Keith Richards tatouant «Pirates des Caraïbes» d’absurdité… Victor Dixen promet de souquer au long cours sur une douzaine de volumes. De quoi mordre de sacrés personnages, les femmes surtout, redoutables guerrières, cavalant avec une impétuosité chevaleresque réjouissante.
«Réinventer un ouvroir des possibles»
Est-ce pour rompre une routine désormais installée que le champion du best-seller jeunesse matérialise un jeu de tarot? Il suffisait d’y penser selon une logique interactive chère à l’époque. D’autant que l’entrepreneur futé a déjà souvent battu les cartes de cette pratique divinatoire dans ses écrits. Sur les terres de Magna Vampyria, malgré les promesses de vie éternelle, les puissants ne dédaignent pas de loucher sur leur avenir. Dans ce monde uchronique, insiste Victor Dixen, il fallait réinventer la notion de futur, «un ouvroir de possibles». Lui-même avoue volontiers adorer se tirer les cartes, quand il cale sur une intrigue.

L’incertitude contemporaine et l’individualisme forcené, rappellent les experts de l’édition dans Livres Hebdo, ont entre autres facteurs, dopé le secteur du développement personnel. En juin, pas moins de huit coffrets de tarots sont publiés – «Le tarot de la sorcière moderne» ou «Le tarot des tsars», «Le tarot de Marseille Feel Good» ou «Le tarot divinatoire des cristaux», etc. Pour l’anecdote, 23% des Français selon un sondage Ifop, croient en la vérité des cartes. Au-delà, celui dessiné pour Victor Dixen s’enveloppe d’une aura mystérieuse, s’annonce mis à l’index car ses cartes permettraient d’anéantir le pouvoir despotique sur Magna Vampyria. Ça reste à voir. Et surtout à lire.
Victor Dixen
«La cour des ouragans», après «La cour des ténèbres» et «La cour des miracles»
Ed. Robert Laffont, 584 p.
«Le tarot interdit»
86 cartes, livret explicatif 88 p.
Ed. 404
Cécile Lecoultre, d'origine belge, diplômée de l'Université de Bruxelles en histoire de l'art et archéologie, écrit dans la rubrique culturelle depuis 1985. Elle se passionne pour la littérature et le cinéma… entre autres!
Plus d'infosVous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.