Critique théâtraleVoyage au cœur d’une crise
Théâtre documentaire captivant, «The Glass Room» explore l’origine de la rupture jusqu’ici irréconciliable des relations Iran-USA. À voir au Pulloff jusqu’au 17 avril.

En entrouvrant la chambre des secrets qui ont mené à l’impasse diplomatique entre l’Iran et les États-Unis, Leili Yahr, metteuse en scène d’origine iranienne et américaine, née en Valais, emmène le public du Pulloff, à Lausanne, dans une passionnante odyssée géopolitique. Diane Müller, autrice du texte, Roland Gervet et Simon Labarrière interprètent plusieurs personnages qui s’adressent aux spectatrices et spectateurs, racontant les petites histoires de la grande histoire avec un réalisme non dénué de lyrisme.
Symbolisée par un cube transparent imaginé par Gilbert Maire, la «glassy room» est l’élément principal de la scénographie. Elle s’inspire de la salle rectangulaire en plexiglas et en aluminium qui fonctionne à la manière d’une cage de Faraday dans toutes les ambassades américaines. Celle de Téhéran a été le lieu emblématique de la révolution iranienne: le 4 novembre 1979, 400 étudiants islamistes y prennent en otage 52 diplomates et civils américains. La situation durera quatre cent quarante-quatre jours, brisant, jusqu’à nos jours, la confiance et les relations entre les deux États. Témoin et actrice directe de ces événements, la Suisse proposera ses bons offices.
À l’aide de témoignages directs et indirects
C’est ce que retrace avec une finesse teintée d’humour «The Glass Room». Après avoir collaboré avec le réalisateur Daniel Wyss pour la réalisation du film «Ambassade» (à voir en streaming sur Playsuisse), qui traite du rôle particulier joué par la diplomatie suisse dans la résolution de ce conflit, Leili Yahr a voulu prolonger sur scène la prise de parole de certains protagonistes.

À l’aide de témoignages directs ou indirects, d’anecdotes amusantes, d’extraits de reportages ou d’images fortes comme ce tas de chaussures représentant celles des otages ou encore ces dizaines de bols disposés sur scène pour imager le quotidien des étudiants et des otages, tous emprisonnés dans une situation inextricable, la metteuse en scène convoque la violence des stratégies politiques.
Un condensé d’histoire dans «un mouchoir de poche», dixit l’ex-diplomate suisse Pascal Décosterd, présent au Pulloff vendredi soir et en Iran lors de la crise. Leili Yahr l’éclaire d’humanisme et invite au dialogue avec cependant ce goût amer d’inexorable, écho troublant à la guerre en Ukraine.
Lausanne, Pulloff
Jusqu’au 17 avril
Ma/je/sa (19h), me/ve (20h), di (18h)
www.pulloff.ch
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