HorlogerieVulcain mise sur le réveil de ses modèles historiques
Déterminée à sortir du sommeil, la marque née en 1858 relance la Cricket. Récit d’un parcours chahuté.

Il est des marques horlogères qui sombrent dans l’oubli à mesure qu’elles s’enfoncent dans le sommeil. Tel n’est pas le cas de Vulcain, dont le retour sur le devant de la scène demeure espéré par les amateurs éclairés. Or, depuis quelque temps, la marque suisse refait parler d’elle. Dernier exemple en date: le lancement tout récent d’une édition limitée de la Cricket Tradition, créée en collaboration avec le magazine horloger «Révolution» et l’artiste Romaric André.
Sorti en acier en 36 et 39 mm, pour un prix respectif de 3800 et 4100 francs, ce modèle se distingue par une petite main colorée faisant office de seconde centrale. Une référence au geste symbolique de la main émis par Spock dans la saga «Star Trek», un être connu comme étant à moitié vulcain et à moitié humain. Ce salut vulcain vu pour la première fois en 1967 au cours de l’épisode «Amok Time», consiste à former un V avec sa main en séparant ses quatre doigts en deux paires.
Se détachant sur le cadran noir, le motif imaginé par Romaric André se décline dans les quatre couleurs de l’uniforme de «Star Trek» - rouge, bleu, or et vert - assorties au bracelet de cuir livré en plus du bracelet noir en alligator. Reste qu’il s’agit d’une Cricket, la montre emblématique de la marque. Son mouvement à remontage manuel est donc muni du mécanisme de réveil qui a fait sa renommée et dont l’heure programmée est indiquée par l’aiguille terminée d’une flèche.

De l’insecte à la toquante
Fondée en 1858 à La Chaux-de-Fond par les frères Maurice, Gaspard et Aron Ditisheim, la manufacture s’est très vite distinguée par ses modèles à complications plusieurs fois primés dans des expositions internationales. À l’instar de La Vallée de l’Arve, cette montre gousset en or émaillé créée pour le marché chinois en 1889. Elle était dotée d’un quantième perpétuel, d’une répétition minutes et d’une grande et petite sonneries.
Il faudra cependant attendre 1894, soit huit ans après le rachat de la société par Maurice Ditisheim, pour voir les premières montres estampillées Vulcain. Un nom tiré du dieu du feu et des volcans, chef des forgerons dans la mythologie romaine. Quant à sa renommée mondiale, Vulcain la doit précisément à la Cricket. Lancée en 1947, elle fut la toute première montre-bracelet avec alarme mécanique intégrée qui soit suffisamment puissante pour véritablement réveiller son possesseur. Une prouesse réalisée grâce à la collaboration avec Paul Langevin, un physicien français ami des Ditisheim, qui s’est penché sur le problème de l’amplification acoustique.
La solution lui est venue en étudiant les criquets, dont le chant est audible à des dizaines de mètres à la ronde. Ainsi est venue l’idée d’enrichir le dos de la montre d’une membrane élastique et de la doubler d’un fond percé canalisant le son hors du boîtier, lequel fait alors office de caisse de résonance. Le son, lui, retentit durant approximativement 20 secondes et ressemble au chant du grillon, «cricket» en anglais…

La montre des présidents
Le succès fut immédiat. Et il alla bien au-delà de ce que la marque avait imaginé. En particulier aux États-Unis où la Cricket devint la compagne des hommes d’affaires et des plus grandes expéditions des années 50, et où elle fut portée par plusieurs présidents qui en firent la promotion: Trumann, Eisenhower, Nixon, Johnson, Reagan et plus récemment, Barack Obama. Ce qui lui valut le surnom de «montre des présidents». On entendit même le chant de son réveil résonner dans nombre de films hollywoodiens. Ironie de l’histoire, c’est en portant une Cricket qu’Eisenhower signa en 1954 les accords protectionnistes limitant les importations de montres suisses aux États-Unis.
Surfant sur la vague, la marque avait entretemps pris l’habitude de l’offrir à chaque président américain. Mais pas seulement. Comme ce fut le cas pour Mikhaïl Gorbatchev. En 1990, celui-ci apparaissait en gros plan à la une du magazine américain «TIME», les mains sur le visage et une Cricket au poignet. Pour autant, Vulcain s’est aussi fait remarquer avec des modèles sportifs, notamment la Cricket Nautical sortie en 1961. Cette montre de plongée étanche à 300 m et dont le réveil reste parfaitement audible sous l’eau, était équipée d’un système de calcul de paliers de décompression.
C’est cette année-là que Vulcain s’associe à trois autres marques pour faire face à la concurrence suisse et étrangère, donnant ainsi naissance au groupe MSR (Manufactures d’Horlogerie Suisse Réunies) qui finira par l’abandonner en 1986 afin de se concentrer sur une seule marque. La crise du quartz bat son plein et Vulcain chute avec elle…

Un renouveau aura lieu en 2002, après le rachat par PMH (Production et Marketing Horloger) qui relocalise la manufacture au Locle. La plupart des développements techniques tournent autour du mouvement Cricket. Puis en 2009, la marque devient propriété d’Excellence Holding. Mais elle ne redécollera jamais vraiment. La dernière présentation produit se tient en 2016. L’année suivante, Vulcain est reprise par le groupe luxembourgeois PROMOBE et les projets vont bon train. Mais rien n’aboutit réellement. Jusqu’à l’arrivée en 2021 de l’actuelle CEO, Carla Duarte, et de l’entrepreneur Guillaume Laidet venu l’assister dans ses choix stratégiques. Deux personnes bien déterminées à faire revivre les pièces historiques de la marque. Comme la Diver Nautique, la Cricket Classique et la Cricket Tradition déjà relancées depuis l’automne 2022.
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